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17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 11:40

Les accompagnants des élèves en situation de handicap inquiets pour la rentrée
15 juillet 2019 Par Rouguyata Sall

L’une des mesures annoncées par Jean-Michel Blanquer pour une rentrée scolaire « pleinement inclusive » inquiète particulièrement les parents d’enfants en situation de handicap et les personnels les accompagnant : il s’agit de la création de pôles regroupant plusieurs établissements, dont ils craignent qu’elle ne se traduise par une prise en charge moins individualisée des élèves.

Avec la circulaire de rentrée « pour une école inclusive » et les nouvelles conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, a présenté début juin ses mesures visant à « mieux accueillir » les élèves en situation de handicap et leurs parents et à « professionnaliser » les missions des personnels concernés.

Les regroupements écoles-collèges qui figuraient dans le projet de loi Blanquer ont été supprimés par le Sénat. Mais pour les AESH, c'est toujours d'actualité, avec la création de « pôles inclusifs d’accompagnement localisé » (PIAL), qui pourront regrouper plusieurs écoles, collèges et lycées. Conséquence pour les AESH qui y seront affectés : ils devront se déplacer d’un établissement à l’autre et accompagner des élèves de différents niveaux, de la maternelle au lycée, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Le principe des PIAL inquiète Sylvie (dont le prénom a été modifié), AESH à Paris depuis six ans, en CDI depuis quelques mois. Elle fait partie des très rares AESH travaillant à temps plein (41 heures hebdomadaires) et gagne environ 1 300 euros net par mois. Elle est « AESH mutualisée », autrement dit amenée à s’occuper de plusieurs élèves de niveau collège dans le même établissement.

Elle craint d'être affectée dans un PIAL : « On devra passer du primaire au collège, alors que ce ne sont pas du tout les mêmes conditions. On sera amenés à s’occuper de davantage d’élèves, alors que pour les accompagner au mieux, il faut rester le plus de temps possible avec eux. Si l’enfant a un handicap important, on n’arrivera à rien avec 4 heures par semaine. Ça prend du temps d’obtenir la confiance de l’élève. »

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'éducation, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, à l'Élysée, le 3 octobre 2018. © Reuters Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'éducation, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, à l'Élysée, le 3 octobre 2018. © Reuters
Anciennement appelés assistants de vie scolaire (AVS), les AESH ont pour mission d'accompagner les élèves en situation de handicap dans les actes de la vie quotidienne et les activités d’apprentissage, sous le contrôle des enseignants. L’élève peut bénéficier d’un accompagnement individuel, s’il a besoin d’une aide soutenue et continue, avec un nombre d’heures d’accompagnement notifié par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

L'accompagnement peut aussi être collectif, dans les classes spécialisées que sont les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). À la rentrée 2018, 166 000 élèves en situation de handicap bénéficiaient d’un accompagnement, sur les 340 000 élèves en situation de handicap scolarisés.

Pour les AESH mutualisés, comme Sylvie, aucun taux d'encadrement n'est défini, mais dans la pratique ceux qui travaillent à temps plein s'occupent de deux ou trois élèves. Sylvie craint qu’avec la création des pôles, la mutualisation ne soit renforcée au détriment des élèves et des AESH. « Je n’avais plus qu’un enfant à accompagner, raconte-t-elle. Alors on m’a demandé de m’occuper d’un autre enfant avec des troubles mentaux lourds, en ULIS. » Épuisée, elle a demandé à ne plus intervenir en ULIS l'année prochaine. Mais pour l’heure, elle ne connaît pas son affectation, qui arrivera au plus tard le 26 août, selon le mail adressé par le rectorat.

Pour le gouvernement, les PIAL vont permettre « un accompagnement humain défini au plus près des besoins de chaque élève en situation de handicap, une plus grande flexibilité dans l’organisation pour les établissements scolaires et les écoles, une professionnalisation des accompagnants et une amélioration de leurs conditions de travail », comme indiqué dans le vade-mecum.

Cette « gestion plus locale » est un « faux argument » aux yeux de Manuel, membre du collectif des AESH parisien.nes, soutenu par Sud et la CNT. « Ils vont juste nous faire accompagner plus d’élèves, sans augmenter les effectifs. On est inquiets sur les conditions dans lesquelles vont se dérouler la rentrée », précise Manuel, AESH depuis cinq ans, syndiqué Sud.

Dès la parution de la circulaire sur les nouvelles conditions d’emploi, les collectifs et syndicats ont tiré la sonnette d’alarme, interpellé le ministre et organisé des réunions d'information.

Pour Francette Popineau, cosecrétaire générale du Snuipp-FSU, la mise en place des nouveaux pôles peut être intéressante, si et seulement si elle est pensée du point de vue de l’enfant et pas de celui des gestionnaires. « Si vous avez un AESH qui accompagne déjà des enfants autistes, on peut lui ajouter quelques heures avec un autre enfant autiste. Mais si c’est fait pour boucher les trous, on va déstabiliser les enfants et les personnels. »

Mêmes inquiétudes côté CGT. Pour Hélène Elouard, représentante nationale du collectif AESH National CGT Éduc’Action, le but caché des PIAL est de réduire les effectifs. « Ils vont nous mutualiser, comme ça, il y aura besoin de moins d’AESH. Ça va être catastrophique à la rentrée, ça va être terrible pour les élèves. » Le ministère a pourtant annoncé la création de 4 500 postes pour la rentrée 2019.

« Les enfants sont rassurés de me voir. Ils ont besoin de stabilité »

La création des « pôles inclusifs » étant inscrite dans la loi « pour une école de la confiance », le député communiste Sébastien Jumel a interpellé le ministre de l’éducation nationale sur les AESH le 2 juillet, juste avant l’adoption définitive du projet de loi. En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés, qui sera bouclée mi-juillet, il regrette que Jean-Michel Blanquer n’ait pas attendu les conclusions de la commission et le retour de l'expérimentation des PIAL lancée en 2018 dans chaque académie. Il assure qu’il sera vigilant à ce que la généralisation de ce dispositif ne devienne pas un « outil pour rationaliser l’accompagnement humain, et mener vers un abandon des accompagnements individuels ».

Dès la rentrée, le ministère prévoit de déployer ces pôles dans 300 circonscriptions scolaires, concernant 2 000 collèges avec ULIS et 250 lycées professionnels. Chaque PIAL sera piloté par un inspecteur de l’éducation nationale du premier degré ou un chef d’établissement du second degré. Ce pilote devra nommer un coordonnateur chargé de réorganiser tout au long de l’année l’emploi du temps des AESH, « en lien avec l’enseignant référent et les équipes pédagogiques » et « en fonction des besoins des élèves bénéficiant d’une notification d’aide humaine et des nécessités de service ».

À Paris, la liste des 27 pôles inclusifs a été présentée lors du comité technique académique du 26 juin. Mais au 12 juillet, les AESH et les représentants que nous avons interrogés ne connaissaient toujours pas leur affectation. Nous avons contacté à plusieurs reprises le rectorat de Paris. Mais le directeur de l'académie n’est pas disposé à nous répondre pour l'instant, une communication étant prévue pour la fin du mois d'août.

En attente de son affectation, Nicolas, dont le prénom a été modifié, redoute lui aussi d’atterrir dans un PIAL. AESH collectif dans une ULIS en école primaire à Paris, il accompagne des enfants autistes, « assez profonds parfois », des enfants avec des troubles envahissants du développement et des déficients intellectuels. Il travaille 27 heures par semaine et gagne environ 900 euros net par mois, après six ans d’expérience – deux ans en contrat unique d'insertion (CUI) et depuis quatre ans en CDD.

Son CDD prend fin le 31 août. Il espère pouvoir continuer à accompagner les mêmes élèves. « On a aussi un rôle d’éducateur, un rôle de confident, surtout que les enseignants changent régulièrement. Les enfants sont rassurés de me voir. Ils ont besoin de stabilité, surtout les enfants autistes. »

Comme chaque année, il passera l’été avec la crainte que son contrat ne soit pas renouvelé à la rentrée. Nicolas estime par ailleurs que la formation est insuffisante. « Je me suis formé moi-même sur l’autisme, en allant à la bibliothèque, en regardant des documentaires, en discutant avec des psychologues. Mais dans ma classe, il y a un enfant qui n’a jamais parlé, on s’occupe de lui mais c’est un peu de la garderie. On ne sait pas quoi faire. »

Au quotidien, il rencontre des difficultés avec les enfants qui ont des problèmes de mémoire, à qui il faut répéter sans cesse les consignes. Il y a aussi ceux qui sortent de la classe, qu’il faut aller récupérer, ou encore ceux qui ont des « grosses colères » qu'il faut faire revenir au calme.

Dans le Puy-de-Dôme, Christophe, également en attente de son affectation, s’occupe d’un enfant autiste et de deux enfants dyslexiques. AESH dans une école privée en CUI depuis deux ans, cet ancien moniteur-éducateur raconte avec fierté les progrès de ses élèves. Employé à temps partiel (24 heures par semaine) pour un salaire de 704 euros net par mois, il espère lui aussi pouvoir continuer à accompagner les mêmes enfants. Il attend la signature d'un CDD à la rentrée avec impatience. Ne serait-ce que pour répondre aux parents. « Ils nous demandent sans cesse qui va s’occuper de leur enfant à la rentrée, et même si quelqu’un va s’en occuper. »

Des contrats signés dans plusieurs académies ne respectent pas la nouvelle circulaire

L’ANPES, Association nationale de parents d’enfants sourds, qui lutte pour l'éducation en langue des signes française (LSF), s’inquiète quant à elle de la généralisation des AESH. Depuis 2013, ces parents, qui ont choisi la LSF comme langue orale de leurs enfants, demandent un regroupement des élèves signants au sein d'établissements mettant à disposition des enseignants maîtrisant la LSF.

« Qu’est-ce que les AESH vont apprendre en 60 heures ? », s’interroge Catherine Vella, présidente de l’ANPES, au sujet de la formation obligatoire pour les AESH. « M. Blanquer et Mme Cluzel ont un discours où ils prônent la pédagogie. Ils disent que les enfants vont être poussés vers l’avant, mais cette inclusion individuelle dont nous ne voulons pas, et qui plus est sans les moyens en face, va être une catastrophe pour nos enfants. »

Catherine Vella a pris part à la concertation sur l’école inclusive, menée fin 2018, réunissant parents, associations de personnes en situation de handicap, gestionnaires d’établissement médico-sociaux, professionnels de l’éducation et accompagnants, avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Elle regrette presque les neuf demi-journées passées en réunion de concertation, pour se retrouver « face à un mur de béton ».

Quelques améliorations sur les conditions de travail des personnels ont toutefois émergé de cette concertation, notamment la suppression du recrutement sous contrat aidé d’un an en CUI, qui laisse la place à un CDD de trois ans, renouvelable une fois, avant un éventuel CDI.

Autre changement, l’annualisation du temps de travail sur 41 semaines contre 39 aujourd’hui. Francette Popineau salue la stabilité procurée par le CDD de trois ans et l'« avancée financière » découlant de l’annualisation sur 41 semaines et donc de l’augmentation du nombre d’heures travaillées. « On est loin du compte, mais c’est un peu mieux. D’autant plus que cela rémunère le temps de travail invisible », comme les rencontres avec la famille pour préparer une sortie scolaire ou les rendez-vous à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Elle regrette en revanche l'absence d’avancée sur la professionnalisation. « Il faut arriver à un métier statutaire, comme les infirmiers ou les éducateurs, avec une formation qualifiante et un salaire adossé au SMIC », indique-t-elle.

Que ce soit sur la durée des contrats ou la question de l'annualisation, la mise en œuvre de la réforme est poussive : un mois après la publication de la circulaire de rentrée, certains contrats signés n’intègrent toujours pas les évolutions. De nombreux cas ont ainsi été signalés, le 2 juillet, au ministère de l'éducation nationale par le collectif AESH National CGT Éduc’Action, bien décidé à faire pression sur les académies pour qu'elles corrigent les erreurs avant la rentrée. Contacté, le ministère explique que certaines académies avaient anticipé le recrutement pour la rentrée et que les outils informatiques ont dû faire l'objet de correctifs. Ces deux raisons ont donc conduit certaines académies à signer des contrats qui ne respectent « pas encore » la circulaire. « Mais elles pourront proposer des avenants à la rentrée. »

De fait, la mise en place des PIAL inquiète aussi les parents d’élèves. Dans une lettre ouverte adressée le 20 juin à Sophie Cluzel, secrétaire d’État en charge des personnes handicapées, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) salue la création d’un service public de l’école inclusive, tout en partageant les mêmes réserves que les personnels, « notamment sur l’expérimentation des PIAL et sur la mise en œuvre des équipes mobiles d’appui médico-social ». L’UNAPEI, qui défend le droit à la scolarisation, insiste sur la prise en considération des besoins individualisés des élèves."

 

Les Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap inquiets pour la rentrée.
Les Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap inquiets pour la rentrée.
Les Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap inquiets pour la rentrée.
Les Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap inquiets pour la rentrée.
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14 juillet 2019 7 14 /07 /juillet /2019 19:35

La tarification à l’acte gagne le secteur de la prise
en charge de la personne handicapée

La tarification à l’acte gagne le secteur de la prise en charge de la personne handicapée
La tarification à l’acte gagne le secteur de la prise en charge de la personne handicapée
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14 juillet 2019 7 14 /07 /juillet /2019 19:22

Salariés de l'Action Sociale du Privé !

Demande d'audience intersyndicale à la Direction Générale du Travail au sujet des conventions 66, 65, 79, accords CHRS et Croix Rouge.

Très vives inquiétudes quand à ce que veut imposer l'organisation patronale NEXEM !

Demande d'audience intersyndicale à la Direction Générale du Travail au sujet des conventions 66, 65, 79, accords CHRS et Croix Rouge.
Demande d'audience intersyndicale à la Direction Générale du Travail au sujet des conventions 66, 65, 79, accords CHRS et Croix Rouge.
Demande d'audience intersyndicale à la Direction Générale du Travail au sujet des conventions 66, 65, 79, accords CHRS et Croix Rouge.
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1 juillet 2019 1 01 /07 /juillet /2019 15:46

En 2009/2010, les salarié.e.s du secteur social et médico-social ont défendu leurs conquis sociaux en empêchant par leur longue mobilisation la remise en cause de leur Convention Collective Nationale du Travail de 1966.
Depuis, les patrons du secteur, réunis dans l'organisation NEXEM et flanqués d'une armée de juristes, s'organisent minutieusement pour supprimer définitivement nos congés trimestriels, nos congés d'ancienneté, nos droits aux réunions, nos journées pour enfant malade, pour proche décédé...


CC66 : le scénario pour casser nos conquis sociaux


Dans la revue Direction[s] de juin 2019, le président de Nexem, Alain Raoul, ne masque pas la volonté patronale de supprimer méticuleusement nos conquis sociaux :


Évacuez-vous toute dénonciation de la 66 ?
A.R. Rien ne peut l'être d'emblée, mais nous croyons au dialogue social. Un tel processus ne peut être lancé en mettant un couteau sous la gorge des syndicats. En revanche, une chose est sûre, nous ne renouvellerons pas l'expérience passée en étalant les discussions sur plusieurs années. Donc s'il le faut, nous pourrons être amenés à un moment donné à utiliser tous les outils à notre disposition, y compris la dénonciation.


Traduction sans langue de bois : « On n'est pas allé assez vite il y a 10 ans (quand j'étais chef du Syneas) pour casser les droit des salarié.e.s. L'organisation patronale n'exclut pas de supprimer la CC66 et de faire revenir tou.te.s les salarié.e.s. Du secteur au strict minimum du Code du Travail !

Nous ne volons pas nos Congés Trimestriels !
Nous ne volons pas nos Congés d'Ancienneté !

Nos conquis sociaux nous permettent déjà à peine de reconstituer nos force de travail, face aux violences physiques et psychiques que nous subissons quotidiennement.
De bonnes conditions de travail pour les salarié.e.s, ce sont de bonnes conditions d'accueil pour nos usager.ère.s !

CC66 : le scénario pour casser nos conquis sociaux
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1 juillet 2019 1 01 /07 /juillet /2019 12:52
Entretien avec Alain Raoul, président de Nexem
 
"Constituer des forces susceptibles de peser"
05/06/2019
 
Le 20 juin, l’assemblée générale de Nexem clôturera la période transitoire de l’organisation patronale née en 2017. L’occasion de revenir sur ses orientations stratégiques, structuration du secteur social et médico-social en tête, rappelle son président, Alain Raoul.
 
 
La réforme de la représentativité de 2017 a laissé des traces dans la branche sanitaire, médico-sociale et sanitaire à but non lucratif (Bass). Lui doit-on l’enterrement du collège patronal Unifed dans sa composition historique [1] ?
 
Alain Raoul. L’Unifed a été créée dans un environnement spécifique avec des enjeux forts liés à la formation professionnelle. En remplissant les missions qui lui avaient été assignées, le collège patronal a apporté beaucoup au secteur. Mais il est vrai que la réforme de 2017 a contraint les employeurs, ceux de la Bass comme les autres, à s’organiser différemment pour répondre à la nouvelle donne. Celle-ci impliquant un nouveau rôle et un nouveau cadre d’exercice pour la représentation employeur.
 
Reste que, un an et demi plus tard, l’arrêté de représentativité patronale de la branche n’a pas été publié. La capacité de vos organisations à s’entendre a-t-elle été posée comme condition pour l’obtenir ?
 
A. R. En effet. Pour la Direction générale du travail (DGT), notre secteur d’activité doit entrer dans un schéma classique en se dotant d’un environnement juridique commun. Nos quatre organisations (Croix-Rouge française, Fehap, Nexem et Unicancer) ont néanmoins fait valoir que, compte tenu de nos réalités et de notre histoire, y parvenir d’emblée était impossible. Nous avons donc proposé une forme d'organisation collective permettant d’en prendre le chemin, avec la perspective d'aller plus loin. C’est tout l’enjeu de la nouvelle Confédération des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, dont l’assemblée générale constitutive s’est tenue le 17 avril dernier. Cette structuration progressive ayant été validée par la DGT, la confédération va pouvoir être désignée prochainement comme acteur représentatif. Et c’est essentiel car, même si le dialogue social de branche s’est poursuivi depuis 2017, aucun accord n’a pu être conclu. J’insiste toutefois : cette nouvelle organisation n’est pas une réponse à l’échec de l’Unifed, mais plutôt à un monde qui change. Au-delà de l’injonction gouvernementale qui nous a, il est vrai, conduit à nous retrouver autour d’une table, la confédération, dont les modalités de travail seront précisées d’ici à  l’été, existe d’abord grâce à la volonté de ses fondateurs.
 
Comment fonctionne ce nouvel interlocuteur patronal ?
 
A. R. Il est doté d’une gouvernance et de règles lui permettant de concilier collectif et efficacité : les décisions se prennent à la majorité qualifiée, en tenant compte de la taille des membres. Et ce, sans aucun droit de veto. Tout cela permettra d’abord de faire de la confédération un lieu où se travaillera une vision commune pour le secteur. Par ailleurs, en matière de dialogue social, c’est en son sein que nos organisations négocieront un socle juridique commun, comportant un certain nombre de sujets applicables à l’ensemble de la Bass (formation professionnelle, nouveaux métiers, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – GPEC, égalité…). Au-delà, si certaines composantes souhaitent aller plus loin en négociant d’autres thématiques, elles peuvent donner mandat à la confédération pour cela : le résultat de leurs négociations ne s’appliquera alors qu’à leurs propres adhérents. Ce sera notamment le cas du projet conventionnel que nous menons avec le soutien de la Croix-Rouge française, et auquel participe l’Union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux (Unisss), devenue membre associé de Nexem.
 
Justement, où en sont ces travaux conventionnels ?
 
A. R. Ils sont désormais bouclés, nous comptons maintenant accélérer le calendrier. Fin mai, nous avons informé les syndicats de l’arrêt de toutes les négociations sur la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66) et sur les accords applicables aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). En juin, des réunions paritaires sont prévues pour conclure un accord de méthode. Nos adhérents seront ensuite appelés à se prononcer, avant la fin de l’année, sur l’orientation à donner aux discussions sur la base des premiers mois d’échanges. À terme, outre les accords CHRS et la CCN 66, le texte remplacera les CCN du 1er mars 1979 [2] et du 26 août 1965.
 
Un mot sur l’Unisss, justement. Ce rapprochement, opéré à l’occasion de ce projet conventionnel, peut-il augurer une fusion ?
 
A. R. La logique le voudrait, oui. Compte tenu du mouvement actuel de réduction du nombre de branches professionnelles, l’avenir de celle couverte par la CCN 65 (qui concerne moins de 5000 salariés) est compromis. Sans attendre une décision des pouvoirs publics, l’Unisss a donc décidé d’être proactive en se rapprochant de notre projet, ce qui nous a d’ailleurs permis de constater tous nos points de convergence. À la prochaine mesure d’audience en 2021, elle ne pourra obtenir la représentativité sur le nouvel espace conventionnel, et devrait donc nous rejoindre.
 
Excluez-vous toute dénonciation de la « 66 » ?
 
A. R. Rien ne peut l’être d’emblée, mais nous croyons au dialogue social. Un tel processus ne peut être lancé en mettant un couteau sous la gorge des syndicats. En revanche, une chose est sûre : nous ne renouvellerons pas l’expérience passée, en étalant les discussions sur plusieurs années. Donc, s’il le faut, nous pourrons être amenés à un moment donné à utiliser tous les outils à notre disposition, parmi lesquels la dénonciation.
 
La structuration du secteur passe aussi par la création d’un opérateur de compétences (Opco) cohérent. Pourquoi vos fédérations, celles du domicile compris, ne sont-elles pas parvenues à se retrouver dans un même opérateur [3] ?
 
A. R. Après le refus des pouvoirs publics de valider l’idée d’un seul grand Opco de l’économie sociale et solidaire (ESS) réclamé par les acteurs, nous avons œuvré à la création d’un opérateur portant sur les métiers de l’accompagnement, ceux du secteur de l’aide à domicile inclus. Une option, partagée par l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), qui nous paraissait en lien avec la transformation de l’offre en cours. Nous n’y sommes pas parvenus – certains refusant d’être réunis dans le même opérateur. Nous avons donc trouvé un compromis avec l’Opco Santé qu’il faut entendre au sens de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Depuis, la ministre Muriel Pénicaud s’est prononcée en faveur de sa fusion avec l’Opco Cohésion sociale d’ici un an ou deux. Cela laisse le temps à tout le monde de se connaître et de se reconnaître, car on ne peut aller sur de tels sujets à marche forcée. D’ici là, nous allons vivre une expérience nouvelle au sein de l’Opco Santé : apprendre à travailler avec les acteurs du lucratif, créer des passerelles entre nous, tout en respectant nos identités respectives.
 
Quels sujets reste-t-il à arbitrer collectivement dans le cadre de cette réforme de la formation professionnelle ? 
 
A. R. Il y a notamment la question de l’organisation territoriale de l’Opco, les structures de la Bass étant attachées à la proximité existant du temps de l’organisme paritaire collecteur agréé (Opca) Unifaf, via les délégations régionales de la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (DR-CPNE). Des déclinaisons similaires doivent-elles être mises en place ? Et si oui, avec quel financement ? Il faudra s’entendre. Autre dossier structurant, à trancher lors de la renégociation de l’accord de 2015 de la Bass cette fois : celui de l’avenir de la contribution conventionnelle. Il y a certes des besoins de formation importants, mais les adhérents peuvent aussi choisir de les financer eux-mêmes par accords d’entreprise. L’enjeu est donc de s’accorder sur une part raisonnable de financement mutualisé permettant à chacun de s’y retrouver.
 
Autre chantier à votre agenda, la fusion avec l’UNA début 2020. Pourquoi constituer encore un nouvel acteur, moins de trois ans après votre création?
 
A. R. C’est le sens des politiques publiques, récemment confirmé par le rapport de Dominique Libault qui insiste sur l’hybridation des réponses entre domicile et établissements [4]. Ce mouvement doit être accompagné et amplifié, et pour cela mieux vaut ne faire qu’un. Sans attendre l’association de préfiguration qui sera créée en juillet, des rencontres organisées entre nos adhérents respectifs leur ont permis de mieux se connaître sur les territoires et d’y envisager des actions communes à mener, en particulier auprès des pouvoirs publics locaux. Ce rapprochement est apparu comme une évidence, tant nous partageons des convictions fortes, comme la nécessité d’une meilleure reconnaissance du secteur encore trop peu visible. Et donc quelquefois maltraité. Demain, notre organisation commune, qui représentera à elle seule plus de 13 000 structures employant 400 000 salariés, sera bien mieux considérée. En particulier quand il faudra se faire entendre pour organiser les parcours des personnes accompagnées, mais aussi des professionnels dont l’investissement doit être soutenu par une revalorisation des métiers et des rémunérations. L’État doit entendre que nous ne pouvons continuer à fabriquer des travailleurs pauvres ! Pour y parvenir, il nous faut constituer des forces susceptibles de peser. Ce qui ne nous empêchera pas évidemment de mener des combats avec d’autres, toujours pour une meilleure légitimation du secteur.
 
Uniquement sur les sujets patronaux ?
 
A. R. Pas seulement. Prenons par exemple l’épisode de l’examen de la récente proposition de loi sur les jeunes majeurs [5] : ce qui s’est joué touche certes aux personnes accompagnées, mais nuit aussi à la prise en charge qui, elle, est mise en place par nos adhérents. Nous devons donc prendre la parole, mais pas tout seuls. C’est pourquoi, nous avons lancé un mouvement de contractualisation avec de grandes organisations représentant « les publics » – comme la Convention nationale des associations Cnape, mais aussi l’Union des associations de parents, de personnes handicapées mentales Unapei, la Fédération des acteurs de la solidarité… Le souci de la qualité de la prise en charge, voilà ce qui peut tous nous réunir. Il nous faut travailler cette complémentaire pour déterminer les sujets sur lesquels nous pourrions être amenés à prendre position ensemble, chacun à sa place. Ici encore, l’important est de toujours privilégier les sujets de convergence susceptibles de faire avancer le secteur.
 
[1] Lire Direction[s] n° 154, p. 6
[2] Convention collective nationale des médecins spécialistes qualifiés au regard du conseil de l'ordre travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
[3] Lire Direction[s] n° 174, p. 20
[4] Lire Direction[s] n° 175,  p. 6
[5] Lire dans ce numéro p. 8
Propos recueillis par Gladys Lepasteur - Photos : Damien Grenon pour Direction[s]
 
Carte d'identité
Nom. Alain Raoul
Parcours. Directeur de CHRS (1978-1988) ; puis directeur financier (1988-1998) de l’Armée du salut ; directeur général de la Fondation Armée du Salut (1998-2015) ; vice-président du syndicat des employeurs Synéas (2010-2016) ; président délégué de Nexem (janvier 2017 à novembre 2018) ; vice-président de l’Udes (depuis novembre 2015).
Fonction actuelle. Président de Nexem.
 
Publié dans le magazine Direction[s] N° 176 - juin 2019
Entretien avec Alain Raoul, président de Nexem
Entretien avec Alain Raoul, président de Nexem
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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 21:18

FEDERATION CGT DE LA SANTE ET DE L’ACTION SOCIALE
Union Fédérale de l’Action Sociale

Secteur social et médico-social Convention Collective Nationale du Travail du 15 mars 1966
Communiqué de l’UFAS

ALERTE sur la Convention Collective Nationale du Travail du 15 mars 1966 !

Lors de la Commission Nationale Paritaire de Négociations de la Convention Collective Nationale du Travail du 15/03/1966 du 24 mai 2019, en présence de membres du Conseil d’administration de NEXEM, le syndicat employeurs annonce aux organisations syndicales la fin des négociations dans la CCNT 66 et l’ouverture d’une nouvelle table de négociation sur un périmètre regroupant la convention collective du 15 mars 1966, les CHRS (Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) et la convention collective du 1er mars 1979 des médecins spécialistes qualifiés.
Cette annonce a été faite dans le cadre de la présentation de la création de la confédération employeurs
regroupant NEXEM, la FEHAP (CCNT du 31/10/1951), la Croix Rouge Française et UNICANCER (Centres
de Lutte Contre le Cancer).
NEXEM veut aller vite et annonce l’ouverture de la nouvelle table de négociation le 26 juin, date prévue
initialement pour une CNPN 66. Puis, dès septembre 2019, une réunion de négociation tous les 15 jours avec, comme premier point à l’ordre du jour, rémunérations/classifications.
Les syndicats CGT, FO, SUD, CFDT et CFTC ont exigé de NEXEM la production d’un écrit explicitant
clairement leur démarche, le nouveau périmètre de négociation, les moyens mis sur la table, le devenir des
conventions collectives existantes et les moyens alloués au paritarisme. L’ensemble des organisations
syndicales ont également exigé que la CNPN 66 du 26 juin soit maintenue. NEXEM accédera à ces demandes mais confirmera l’ouverture de la nouvelle négociation le 16 juillet, en présence des employeurs de la Croix Rouge Française et de l’UNISS.
La CGT, FO et SUD s’insurgent contre ce passage à l’acte unilatéral de NEXEM qui bafoue les règles du
paritarisme, estiment qu’ils n’ont pas mandat de leur organisation pour négocier sur un nouveau périmètre et s’interrogent sur la légalité de la démarche en l’absence de dénonciation claire des conventions collectives concernées.
La CFDT annonce qu’elle a mandat de son organisation pour négocier dès le 16 juillet.

Le 3 juin, NEXEM fait parvenir aux organisations syndicales un document sur leur « projet conventionnel et
les conséquences sur l’organisation de la négociation ». Ce document, qui ne répond pas aux demandes et
interrogations des organisations syndicales face à la gravité de la situation, a au moins le mérite d’être clair sur les intentions de NEXEM quant à son projet de future convention collective pour les environnements 66, 79 et CHRS. Pour les employeurs, il s’agit de « créer une interbranche dans l’objectif de s’accorder sur la construction d’une future convention collective pour l’ensemble des acteurs ». Ils précisent par ailleurs que les statuts de la confédération employeurs prévoient également « un travail de convergence des conventions collectives existantes ».
Ainsi donc, le projet de Convention Collective Unique et Etendue (CCUE) pour l’ensemble du secteur, socle
sur lequel a été créé NEXEM, est en marche !
Rappelons que la CGT défend depuis plusieurs années son propre projet de CCUE, mais un projet de haut
niveau à partir des dispositions les plus favorables des conventions collectives existantes.
NEXEM, quant à lui, annonce d’ores et déjà que l’ouverture de nouvelles négociations sur un périmètre élargi, se fera sans moyens financiers supplémentaires….Tout est dit !
Ainsi donc, 10 ans après l’attaque massive portée par nos employeurs contre la CCNT 66, attaque qui avait
avorté face à la mobilisation massive des salarié.e.s du secteur, c’est le retour plus insidieux mais tout aussi
inquiétant de la remise en cause générale de nos garanties et conquis conventionnels souhaitée, selon NEXEM, par une majorité de leurs adhérent.es, nos directions, qui ne veulent plus de la CC66 jugée « trop
contraignante à leurs yeux pour leur politique RH... ».
Sans moyens supplémentaires et face aux conséquences dramatiques dans nos établissements, de la politique austéritaire de réduction des coûts mis en oeuvre par le gouvernement et relayée par les organismes de tarification, Conseils départementaux ou ARS, comment seulement envisager que NEXEM ait l’intention de négocier des garanties conventionnelles plus favorables… ?!
C’est donc une véritable alerte qui est adressée aujourd’hui aux syndicats et aux salarié.e.s face à l’importance de l’enjeu pour notre secteur.
La CGT, en lien avec d’autres organisations syndicales est d’ores et déjà en ordre de bataille et mettra tout en oeuvre pour que nos garanties conventionnelles soient préservées. Pour nous, les conventions collectives existantes, dont bien sûr la 66, doivent perdurer ainsi que les commissions nationales paritaires de négociation qui leur sont attachées.
La CE de l’UFAS des 19 et 20 juin 2019 sera saisie de cette affaire, une réunion intersyndicale ainsi qu’une
réunion des négociateurs des conventions collectives UFAS et UFSP et des collectifs concernés sont d’ores et déjà programmées.
Toute la CGT doit se mobiliser autour de la question cruciale de la défense de nos garanties collectives
aujourd’hui fortement menacées.


Montreuil, le 5 juin 2019

ALERTE sur la Convention Collective Nationale du Travail du 15 mars 1966 !
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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 21:15
Colères du médico-social

Le chercheur Michel Chauvière et l'ancienne travailleuse sociale Christiane Henry expliquent les motivations de la pétition nationale "Urgence handicap : danger !", lancée voici quelques semaines. Ils estiment que la désinstitutionnalisation proposée est une solution dangereuse qui ne règlerait pas les problèmes des personnes handicapées, mais aggraverait la situation.

Sur l’initiative de deux collectifs : le collectif « D’une maison à l’autre » et le collectif « SOS médicosocial », une pétition nationale intitulée Urgence handicap : danger !, lancée le 1er février 2019, a déjà recueilli près de 12 000 signatures. Celles-ci émanent de parents, de professionnels et de citoyens concernés de tous les départements, y compris en outre-mer, et sont très souvent assorties de commentaires témoignant d’une grande inquiétude quant à l’avenir des actuelles institutions médico-sociales.

La pétition est destinée au Premier ministre, à la ministre de la santé et des solidarités et à la secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé des personnes handicapées.

Article à lire sur le lien:

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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 21:13
Le médico-social de la petite enfance: un secteur de soin gravement menacé

L'article évoque en particulier le médico-social de la petite enfance mais le scénario est le même pour l'ensemble du secteur notamment pour les établissements de type IME, ITEP et également les ESAT (anciennement CAT).
Le tout inclusif est en préparation depuis la création des ARS. Tout comme pour l'hôpital, qui est privé de moyens afin d'en entraver son bon fonctionnement dans le but de le livrer aux spéculations du privé lucratif, les établissements chargés de l'accompagnement du handicap mental ou des troubles du développement et du comportement vont être financièrement écrasés et offerts à la marchandisation de groupes financiers pour les parties rentables de leurs activités. Pour les enfants ou adultes handicapés dont les familles n'auront pas les moyens ce sera retour à la maison ainsi que pour bon nombre de professionnels salariés de ces établissements.

Article à lire sur le lien:

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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 21:00
Quand la finance fait du social
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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 14:08

Ce petit fascicule s'intitule:

"Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise."

Cela fait un moment que je le connais mais je ne pense pas l'avoir déjà mis sur ce blog.

Il a beau parler d'hôpital on peut très bien l'appliquer au secteur du social et du médico-social tant ce qu'on voit se dérouler dans notre secteur ressemble à ce qui se passe depuis plusieurs années dans le secteur hospitalier.

"Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise."

Il est préconisé de diffuser ce guide auprès des professionnels intervenant dans le champ
de la santé, mais aussi auprès de tous ceux qui refusent d’accepter que tout puisse se
marchandiser, se standardiser, se calculer et se “manager”.

L’amélioration continue de la qualité…

En guise d’introduction :
La démarche qualité est un outil managérial utilisé dans l’industrie depuis une
vingtaine d’années. Il relève d’une stratégie plus globale que l’on nomme le
“management participatif”.
Cette stratégie vise à donner aux salariés le sentiment d’adhérer
librement à des objectifs et des contraintes qui ont été fixés par avance. Dans le cadre de la
santé, l’objectif est de permettre une standardisation du travail afin de pouvoir comparer et
donc mettre en concurrence tout type d’institution privée ou publique dans un contexte de
marchandisation global. Il s’agit en fait de s’ajuster aux critères définis par les normes ISO
(Organisation Internationale de Normalisation) .
Cela en passe nécessairement par le gommage de toute singularité et par la traque de toute
revendication d’autonomisation professionnelle, tout en proclamant une pseudo-autonomie
du professionnel. Les stratégies managériales s’appuient également sur l’inaccessibilité des
figures du pouvoir et sur le contournement permanent du conflit. Elles visent à ce que
chacun intériorise des contraintes et des objectifs communs sans que l’on puisse avoir une
conscience claire que cela ait été imposé. Le conflit n’est plus entre soi et la figure du
pouvoir. Le conflit est entre soi et soi avec tout le mal être qu’il génère.
Plusieurs auteurs (J;P Le Goff, C Dejours, Beauvois et Joule) se sont penchés sur ces
pratiques et y décèlent des formes de manipulations du travailleur. Le monde de l’entreprise
applique avec cynisme cette manipulation en amenant par exemple des salariés à choisir
librement de baisser leurs salaires plutôt que la délocalisation de leurs usines. Au travers de
l’accréditation, renommée aujourd’hui “certification”, le management participatif s’applique
à grande échelle au monde de la santé.

 

Les techniques de manipulation managériale à l’oeuvre dans l’accréditation et la “démarche qualité”


1° L’adhésion par les valeurs
Pour obtenir une évolution des pratiques professionnelles vers leurs standardisations (comme
le préconise la Haute Autorité en Santé), la stratégie ne consiste pas à imposer
autoritairement ce changement mais à déplacer la problématique sur le terrain de l’adhésion.
Le premier temps consiste à rassembler les salariés autour de valeurs communes non
contestables: la qualité, la satisfaction du client, le respect des droits du patient, la sécurité,
“l’éthique du soin”, etc.
Cette mise en avant de valeurs humanistes est un procédé utilisé dans l’entreprise depuis
longtemps. Ainsi, on parle d’éthique, de satisfaction du client, de l’amour du bel ouvrage, etc.
La mise en avant de valeurs communes, de l’intérêt commun, amène le salarié à prendre le
risque de la condamnation morale s’il s’y oppose. Le corporatisme, la défense de la
spécificité d’un champ professionnel, de sa déontologie ou d’une position syndicale apparaît
comme une conduite “non constructive”ou “décevante”.

2° Vers une évaluation morale du salarié
Cette stratégie d’adhésion par les valeurs implique une évolution de l’évaluation du salarié
vers un jugement moral de ses conduites. Cette évolution s’accompagne d’un changement de
vocabulaire dans les entretiens annuels d’évaluation où l’on parle de plus en plus de “savoir
être” et de “capacité d’intégration à l’équipe”. Afin d’accentuer cette pression du collectif sur
l’individu, la culture d’appartenance (ou culture d’entreprise) est favorisée. Cela amène au
phénomène d’illusion groupale : tout le monde est pareil, tout le monde pense pareil. Se
singulariser devient alors menaçant pour le groupe qui saura stigmatiser, sinon plus, la brebis
galeuse.
Par exemple, lorsque vous êtes sollicité pour participer à un groupe, on vous dit bien que
vous avez tout à fait le droit d’y participer ou pas. On vous dit que vous êtes libre. Comment,
vous qui êtes bien entendu pour l’amélioration des choses, pourriez vous dans le même temps
dire que vous refusez de participer à ce groupe de travail ?
De même, on va vous demander de prendre connaissance de “guides de bonnes pratiques” (ce
qu’on appelle dans d’autres lieux des “bibles d’entreprise”). Il vous sera clairement dit qu’il
ne s’agit que de recommandations que vous êtes libre de suivre ou pas. La manipulation
réside ici dans le fait que ce n’est pas votre liberté (au sens le plus éthique du terme) qui est
sollicitée mais bien l’image que vous tenez à maintenir au sein du collectif de travail ainsi
que vos craintes d’une condamnation morale, d’une stigmatisation et/ou d’une exclusion.
Vous serez contraint à choisir librement d’aller dans le sens de celui dont vous craignez de
perdre l’estime. Cette manipulation apparaît flagrante justement quand on tente d’y résister.
Vous avez alors à vous confronter à la condamnation morale de la hiérarchie, voire du groupe
dans son ensemble. Cela est extrêmement difficile à vivre et aboutit parfois à des situations
de harcèlement.

3° De l’adhésion aux valeurs à l’acceptation de la méthode (technique du “pied dans la
porte”)

Dans un premier temps, l’adhésion est donc suscitée en se servant de valeurs auxquelles les
professionnels sont réellement attachés.
Derrière ces valeurs, chaque professionnel défend des approches particulières ou partagées,
une déontologie, une éthique. Le deuxième temps de cette stratégie consiste à séparer les
valeurs de la façon dont les professionnels estiment pouvoir les garantir. Or, c’est bien cela
qui caractérise normalement la spécificité des différents métiers. Pourtant dans ce deuxième
temps, on ne demande plus l’avis du salarié sur ce qu’implique pour lui d’adhérer à telle ou
telle valeur. On ne lui demande pas si la méthode d’évaluation est pertinente pour la
spécificité de son métier. C’est ce que Beauvois et Joule nomme la technique du pied dans la
porte. Cette technique est utilisée assez intuitivement par celui qui va vous demander dans un
premier temps de signer une pétition pour telle ou telle cause (acte peu coûteux) pour ensuite
vous demander de faire un don. Il y a une plus grande probabilité pour que vous donniez de
l’argent si l’on vous a d’abord demandé de vous engager moralement par la signature d’une
pétition (amorçage). Or ce n’était peut-être pas comme cela que vous estimiez pouvoir
défendre la cause pour laquelle vous vous êtes engagé par votre signature.

4° L’adaptation des pratiques à l’outil d’évaluation
Cette façon particulière et propre à chaque métier de garantir les valeurs est remplacée par
des critères et une méthodologie qui s’appliquent à tout le monde. Les critères ne peuvent être
discutés dans la mesure où ils doivent être les mêmes pour toutes les institutions et où ils
doivent convenir à tous les professionnels qui participent au travail d’évaluation. Cela aboutit
à des critères très consensuels et axés sur ce qui est fait de manière très formel et
objectivable. Sinon comment évaluer ? La méthodologie apparaît neutre alors qu’elle
implique en fait une simplification des problématiques rencontrées dans l’exercice du travail
réel. L’objectif est en effet de se donner des critères évaluables par le biais d’outils
statistiques. Plus globalement, la logique de la tarification à l’acte implique d’adapter les
métiers à la méthode d’évaluation alors que le bon sens impliquerait le contraire. Il est donc
demandé à chacun de mettre un peu d’eau dans son vin, de renoncer à la manière spécifique
du métier d’aborder telle ou telle question. Ainsi, en prenant comme cause morale la “qualité
de la prise en charge”, le travail des “groupes qualité” ou d’évaluation des pratiques aboutit à
la standardisation et à mettre en avant les pratiques se prêtant le mieux à l’évaluation. Le réel
souci du soignant vis-à-vis du patient est utilisé, manipulé pour atteindre un autre objectif à
savoir la standardisation des pratiques afin de pouvoir les faire rentrer dans le système de
tarification à l’acte.

Il y a là quelque chose d’équivalent aux tours de passe-passe du magicien. Toute la mise en
scène est construite pour que vous focalisiez votre attention ailleurs que là où se joue la
manipulation. Dans la démarche qualité, tout est fait pour se focaliser sur la qualité et les
valeurs à défendre alors que c’est la méthodologie mise en oeuvre qui va guider la pensée.

5° La proclamation de l’autonomie et de la co-responsabilité
La liberté dans les échanges est proclamée, mais cette liberté de réflexion est guidée par le
cadre méthodologique. Cette liberté proclamée vient également masquer la rigidité de ce
cadre. On constate d’ailleurs que les groupes de travail autour de la qualité sont souvent
animés par quelqu’un qui a été formé à cela. Par ailleurs, les membres du groupes doivent
prendre connaissance de guides (souvent assez épais) leur expliquant comment doit se
formaliser le produit de leurs réflexions. Ainsi l’autoévaluation est guidée dans un cadre
extrêmement contraint mais toute la communication autour de la démarche qualité portera sur
l’autonomie et le libre choix du professionnel.
Le discours managérial prône l’autonomie des salariés mais aussi leur responsabilité au
même titre que le directeur quant à l’avenir de l’institution. Au nom de cette “coresponsabilité”,
le salarié doit faire preuve d’un certain réalisme et mettre de côté son
appartenance professionnelle ou syndicale. Le voilà, lors de groupes de travail, à faire des
choix qui vont à l’encontre de ses valeurs professionnels et de ce qu’il défendait jusque là.
Cela l’amène à l’intériorisation de contraintes et d’objectifs qui, apparemment, ne lui ont pas
été imposés de l’extérieur. Il devient donc impossible de s’opposer à quoi que ce soit ou de
mettre en scène (institutionnellement) le conflit et la négociation.
L’autoévaluation est basée sur le même principe que le contrat d’objectif. Ces deux outils
managériaux visent à l’intériorisation de contraintes sans que celles-ci semblent imposées du
dehors. Vous choisissez librement de vous mettre la pression !

6° La roue de la qualité ou l’amélioration continue de la qualité : ne jamais permettre
une prise de recul

Lorsque vous arrivez au bout de ce travail d’évaluation et d’amélioration, vous avez la
surprise de découvrir qu’il va falloir tout recommencer. On vous explique qu’il va falloir
“évaluer les critères d’évaluation” toujours dans cet objectif d’amélioration continue. A partir
de là, il faudra bien repartir pour un tour d’autoévaluation, de réajustement et de tout ce que
vous voulez. Les managers appellent cela la “roue de la qualité” (ou roue de Deming) et vous
êtes invité à entrer dedans et à la faire tourner comme un hamster !
Ce que redoutent le plus les tenants du discours managériale, c’est que cette roue cesse de
tourner. C’est pour cette raison que les institutions se voient dotées de “qualiticiens”ou de
“messieurs qualité”et de “cellules qualité” afin de dynamiser en permanence la “politique
d’amélioration continue de la qualité”. Une prise de recul amène en effet à s’apercevoir que
l’institution ne fonctionne pas mieux, que les valeurs mises en avant ne le sont que pour faire
consensus et que l’objectif n’était pas d’améliorer les choses mais bien de normer et contrôler
l’organisation du travail. Une prise de recul amène également à s’apercevoir que la qualité
relève essentiellement d’une stratégie de communication indépendamment du travail
réellement effectué. Cela n’a rien d’étonnant puisque la certification / accréditation se calque
sur la norme ISO dont l’objectif est clairement de favoriser le jeu de la marchandisation. Par
conséquent, si la qualité relève en interne d’une stratégie managériale, elle relève lorsqu’elle
s’adresse au grand public, d’une stratégie marketing.

La démarche qualité se base sur les principes de la norme ISO 9000:2000 (systèmes de management de la qualité)
L’AFNOR-AFAQ est un organisme certificateur pour la norme ISO et qui vend du conseil en
management. La Haute Autorité en Santé (anciennement ANAES) et l’AFAQ ont signé un
accord de coopération en avril 2004. Il n’ y a donc rien d’étonnant à ce que le discours de la
Haute Autorité en Santé rejoigne celui de l’ISO.


Qu’est ce que l’ISO ?
L'ISO (International Organisation for Standardization) est un réseau d'instituts nationaux de
normalisation de 156 pays, selon le principe d'un membre par pays, dont le Secrétariat
central, situé à Genève, Suisse, assure la coordination d'ensemble.


Axées sur le marché
L'ISO n'élabore que des normes répondant à un impératif du marché. Les travaux sont
effectués par des experts du secteur (industriel, technique ou économique) qui a demandé les
normes en question et qui les mettra en pratique. Ces experts peuvent être rejoints par d'autres
ayant les compétences requises notamment, des experts des gouvernements, des autorités
réglementaires, des organismes d'essais, du monde universitaire, des associations de
consommateurs ou d'autres organisations concernées.

Comment résister à la manipulation managériale ?
Les managers sont comme les magiciens, ce qu’ils redoutent le plus, c’est la divulgation de
leurs trucs. Pourquoi ? Parce que le succès du spectacle est proportionnellement lié à
l’ignorance des spectateurs quant à la technique de manipulation. La première façon de
résister consiste donc à divulguer au plus grand nombre les ficelles, les techniques de
manipulations qui sont à l’oeuvre dans la démarche qualité. Il est par ailleurs important
de faire prendre conscience aux cadres et aux directeurs qu’il y a dans ces méthodes une
véritable perversion. Autrement dit, faire savoir qu’elles jouent entre autre sur la peur du
jugement moral, qu’elles utilisent l’angoisse du salarié et qu’elles déstabilisent les repères qui
fondent l’exercice professionnel. Jean-Pierre Le Goff (sociologue) constate à ce propos
qu’elles ont l’effet inverse de celui qu’elles sont censées produire : déstabilisation de
l’organisation du travail, arrêts maladie (dépressions, troubles somatiques), perte du sens.

Adhérer à des valeurs n’implique pas d’adhérer à une manière commune de les garantir. Les
guides de recommandations, en s’adressant à tous les professionnels indistinctement,
suggèrent pourtant que si. Au nom de sa déontologie ou du risque de fautes professionnels
liés à cette simplification de la pratique, le professionnel peut refuser de suivre ces
recommandations.

De même, les groupes qualité ou d’évaluation des pratiques, en imposant une méthodologie
commune et basée sur la “preuve”, simplifie dangereusement des questions que les
professionnels se doivent de prendre en compte dans toute leurs complexités. Au nom de ces
valeurs mises en avant, le professionnel peut justement refuser de participer à ces groupes.
Il faut donc faire référence au code de déontologie et aux autres textes de loi qui
régissent sa profession pour refuser d’entrer dans une logique d’évaluation réductrice.

User correctement du langage (extrait de “la barbarie douce” de Jean-Pierre Le Goff)
Combattre la barbarie douce commence par le refus individuel d’entrer dans cette
logomachie qui déstructure les significations. Dans la vie professionnelle comme dans la vie
politique, il s’agit de ne plus accepter sans réagir les discours qui dissolvent les réalités et
les contradictions dans un verbiage tournoyant, le jargon faussement savant qui masque
l’inconsistance du propos.
Dans les réunions interminables où sévissent les rhéteurs du modernisme, il faut prendre la
parole pour dire (si possible avec humour) qu’on ne comprend rien et poser simplement la
question : “que signifient au juste ces circonvolutions ? Quel est l’objet précis du propos ?”
Cet acte peut paraître aisé, mais il ne l’est pas. Il implique en effet un certain courage
quand cette logomachie est l’oeuvre de votre propre hiérarchie ou de ceux qui sont censés
incarner l’institution. Mais il suffit parfois de ce genre de “grain de sable” pour enrayer la
machinerie de l’insignifiance et du même coup redonner vie et consistance au débat, en
n’évacuant plus les réalités premières et les contradictions.
De tels “actes de rupture” n’ont de sens que s’ils s’accompagnent de l’exigence de ne
pas tricher avec les mots et de “serrer le langage” en s’efforçant de nommer correctement
les choses et en mettant en cohérence ses paroles et ses actes.(...)

Petite bibliographie:
Christophe Dejours L'évaluation du travail à l'épreuve du réel, Critique des fondements de
l'évaluation, Dijon : INRA Éditions, 2003.
Jean-Pierre Le Goff, LE MYTHE DE L'ENTREPRISE Critique de l'idéologie managériale,
Edition La Découverte,1996.
Jean Pierre Le Goff, La barbarie douce, Editions La Découverte, 1999.
Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, Petit traité de manipulation à l'usage des
honnêtes gens,2002, Broché.
Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, La soumission librement consentie : Comment
amener les gens à faire librement ce qu'ils doivent faire ? , Broché.

Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise
Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise
Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise
Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise
Petit guide à l’usage des professionnels de la santé soumis à la démarche qualité, aux guides de bonnes pratiques et à la transformation aveugle de l’hôpital en entreprise
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